D’influents travaux de stature classique portant sur l’Etat africain avancent, en généralisant sur le continent entier, que le néopatrimonialisme « marche » pour les élites africaines, qui usent du système étatique formel à des fins privées et, dans l’ensemble, à leur propre profit. Cependant, cette approche est, dans une large mesure, une abstraction faite à partir de conditions fort variables. En nous basant principalement sur des matériaux et sur une recherche de terrain faite en République centrafricaine, nous étudions trois conditions marginales du néopatrimonialisme : (i) un système économique fonctionnel qui redistribue ses bénéfices à travers des canaux formels et informels, (ii) l’existence de liens centre‐périphérie opérationnels, et (iii) l’effectivité du désordre dans la structuration de la domination par les élites. En ce qui concerne la Centrafrique, les éléments de preuve sont sans équivoque : la petite élite politique nationale est à peine capable de se maintenir et de se protéger elle‐même et se trouve du coup incapable de fournir de la redistribution verticale, si bien qu’elle n’est pas en mesure de reproduire les fondements de son autorité. Partant de la littérature classique sur l’Etat africai n, nous soutenons qu’en dépit de la force des arguments qui sont avancés par des chercheurs clefs des études africaines, l’Afrique ne « marche » pas dans les parties du continent où les conditions marginales du néopatrimonialisme ne sont pas à l’œuvre.